La Thure et son Abbaye
*Accueil*
*Faisons connaissance*
*Plan du site* *Première partie*
*Deuxième partie* *Troisième partie*
*Quatrième partie* *Cinquième partie*
*Sixième partie* *La Thure et son Abbaye*
*Les classes gardiennes et primaires*
*Quelques instantanés du XXe siècle*
*Bibliographie*
*Quelques annexes utiles*
*Conclusions*
Cette petite rivière prend sa source à Sivry puis arrose la partie Sud du territoire de Grandrieu. Elle pénètre ensuite en France et parcourt les communes d'Hestrud et Cousolre en serpentant dans les vallons pittoresques reliant ces deux localités. La Thure entre dans la province du Hainaut au sud de Bersillies-l'Abbaye, traverse le village le long de son flanc ouest et, pénétrant le territoire de Solre-sur-Sambre, baigne les murs de l'ancienne Abbaye de la Thure (1243-1796) qui porte son nom. A cet endroit, son parcours sinueux longe un promontoire rocheux qui porte le joli nom de " Paradis " et qui fut occupé jadis par la population dite " aux Champs d'Urnes " C'est à cet endroit en effet que les fouilles d'une nécropole gallo-romaine ont permis de découvrir des fragments de vases datant de la fin de l'âge du bronze. Finalement, son parcours la conduit à la Sambre. Ce cours d'eau porte à Sivry le nom de Mirgo, et à Bersillies-l'Abbaye anciennement le nom de Streute, parfois mal recopié (Strente) . (Bibl. n°31)
Fragment de la planche n°13 de l'Album de Croÿ X
Bien qu'elle ne soit pas située dans la commune de Bersillies, il nous a semblé important d'évoquer ici son histoire, et ceci à plus d'un titre. Précisons d'emblée que cette abbaye de chanoinesses fut beaucoup plus importante que celle qui a donné son nom à Bersillies et dont malheureusement, nous ne possédons aucun document d'archives. Pendant cinq siècles, l'Abbaye de la Thure joua dans la région un rôle incontournable non seulement par le fait qu'elle fut proprétaire de nombreuses terres et qu'elle rayonna par la formation et l'éducation de nombreuses jeunes filles de la région.
Elle fut fondée en I243 par Nicolas II, Sire de Barbençon, pour accueillir les Chanoinesses Régulières de St Victor de Paris dont l'ordre fut créé en 1185 par Roger, évêque de Cambrai, suivant la règle de St Augustin.
Les religieuses venant de Premi (ou Pregny) près de Cambrai s'y installèrent en 1256 sur 10 bonniers de terre, propriété des Barbençon, après avoir fait un bref séjour à Marpent où on les avait installées en un lieu inadéquat en mars 1245. Le projet avait été approuvé en 1253 par l'évêque de Cambrai, Guy de Laon (1237 - 1248) et confirmé par le pape Innocent IV (1245 - 1254).
Elisabeth de Soissons, épouse de Nicolas de Barbençon, seigneur de Solre, y établit la chapelle dédiée à St Jean-Baptiste. Nicolas II mourut en 1258 et fut enterré à l'abbaye d'Aulne, tandis que son épouse fut inhumée dans l'église de la Thure. Consacrée le 30 mars 1261 par l'archevêque de Reims, cette abbaye abrita en 5 siècles 25 abbesses et, en moyenne, 15 à 22 religieuses de chœur. Beaucoup de membres de la famille de Barbençon y eurent leur sépulture. Elle ne reçut cependant le nom d'abbaye de la Thure qu'en 1290 pour mieux la distinguer d'autres abbayes environnantes. Au début de son installation, elle bénéficia d'une parcelle de 10 bonniers de terre sur laquelle fut construite l'abbaye, de 20 bonniers de bois situés à Solre-sur-Sambre, de communs pâturages et du droit d'y établir un moulin, un four et un étang. Les religieuses conservaient en outre les bénéfices des terres de Marpent.
A cette époque, l'écu losangé de l'Abbaye Thure est "de sable à une bande d'argent chargée de trois croix latines recroisettées et surmonté de la crosse abbatiale tournée à gauche". Le sceau était ovale avec l'inscription " Sigillum conventus ... beate Marie de Thura" entourant un dais ogival sur quatre colonnes accosté d'un côté par la Ste Vierge tenant l'enfant Jésus et d'autre part par l'Abbesse de la Thure avec la crosse à la main droite.
Très rapidement de nombreux dons accrurent les richesses des Dames de la Thure qui possédaient entre autres les dîmes de Neufville, de Villers-sire-Nicole et de Wihéries ainsi que de nombreux biens situés à Solre-sur-Sambre, Obrechies, Erquelinnes, Jeumont, Marpent, Montignies-saint-Christophe, Rouveroy et Binche. A partir de ce moment, les propriétés du monastère ne firent que croître, tandis qu'un net relâchement de la vie monastique se faisait de plus en plus sentir. La sanction devait arriver.
Jacques de Croÿ, évêque de Cambrai, s'attacha alors à réformer l'abbaye dont les règles s'étaient fort assouplies en y envoyant quelques moniales sérieuses de Prémi dont l'abbesse Magdelaine Prévot qu'il nomma à ce poste le 12 avril 1507. Il imposa également un changement d'habit en leur prescrivant le port d'une aube blanche qu'elles gardèrent jusqu'à la révolution française. La communauté entreprit en 1540 la reconstruction du moulin à eau sur la Thure; mais ce projet fut contrecarré par Jean II de Carondelet , seigneur du château de Solre-sur-Sambre de 1532 à 1562 et neveu de l'abbesse Roberte de Pamele . Non seulement il s'opposa à ces travaux, mais il fit construire en amont, une écluse afin d'empêcher les eaux de suivre le cours naturel de la rivière !
(Bibl. n°27)Les religieuses, après avoir pris l'avis des hommes de loi à l'Université de Louvain, finirent par gagner leur procès à Mons en 1546 et le moulin fut construit en contre-bas de la ferme. En 1568 l'église ogivale de 1261, remaniée à la fin du XIVe siècle fut pillée et détruite par les Gueux qui brûlèrent aussi celle de Bonne Espérance. Dès 1572, l'abbesse Catherine de Ligne reconstruit l'infirmerie, la buanderie et la brasserie de l'abbaye et poursuit en 1576 la construction de la forge, l'atelier du charron et surtout agrandit le chœur des moniales dans l'église. Mais le 16 mars 1578, vers 10 heures du soir, les Huguenots du duc d'Anjou (1554-1584), le lendemain de la prise de Binche par Croÿ et Berlaymont pour le compte de don Juan, s'introduisent dans l'abbaye et la mettent au pillage. Les Dames sont forcées de s'enfuir à Binche, chez les Sœurs noires mais ne s'y sentent pas en sûreté. Elles prennent dès lors la route de Thuin. Madame de Bury les recueille dans son bel hôtel particulier, alors tout neuf, au rempart du Midi. (Bibl. n°7)
Au XVIe siècle un seigneur d'Aimeries agrandit l'église, et le chœur fut embelli par l'
Abbesse Catherine de Ligne (1590). La même année l'archevêque de Cambrai,
Louis de Berlaymont (1570-1596) consacre trois autels dans l'église restaurée
par l'Abbesse.
Au début du XVIIe siècle, les ressources du monastère sont insuffisantes pour assurer le
paiement du personnel qui compte plus de 50 personnes et de nouvelles donations sont requises.
A partir de cette période les revers atteignent sans relâche l'établissement.
Après la mort de l'Infante Isabelle en 1633, suivit une période de guerres franco-espagnoles.
1635 voit l'élection de l'abbesse Waltrude de Bougnies se dérouler dans
leur refuge de Mons.
Le monastère, situé sur le chemin des armées françaises passant le gué de la Sambre
à Solre-sur-Sambre, est une nouvelle fois pillé et une de ses granges brûlée, en 1637. De même,
en 1641, par suite des opérations militaires dans la région, les Dames de la Thure durent
momentanément émigrer. Cette année-là aussi, le 22 décembre, l'élection de l'abbesse
Marie IV de Hamal a lieu à Mons. En 1643, nouvelles ruines, nouveaux désastres,
nouveaux revers lors des invasions des troupes françaises en Belgique. Les terres, mises en location,
ne purent être cultivées et les fermiers se trouvèrent dans l'incapacité d'acquitter le montant de
leurs fermages.
Le 27 mai 1650 l'abbesse Marie de Hamal reçoit du prince Albert de Barbençon
le droit de collation sur la chapelle castrale dite de St Jean Baptiste. Onze ans plus tard,
les troupes de Louis XIV remettent à sac le monastère et Louvois recommence en 1678. Il est vrai
que l'abbaye se trouve sur le chemin des troupes françaises en campagne dans le nord et que les
passages à gué de la Sambre et de la Hantes restent le parcours obligé de la soldatesque.
L'année 1681 voit la découverte, selon la légende, de la statue "Notre Dame du Paradis"
et de son installation dans la "Chapelle de la Montagne" construite sur un promontoire
rocheux surplombant la rivière. Mais les circonstances et surtout les ambitions de Louis XIV sur les
provinces du nord l'amenèrent à violer un fois de plus le traité dit
"la Paix de Nimègue".
Le 26 juin 1690, l'armée française en déplacement vers Boussu-lez-Walcourt envoya son aile droite
sur le chemin de Beaumont en passant par l'abbaye de la Thure et en traversant le village
de "Berchelies-l'Abbaye"
En 1708, Isabelle II Mengald , supérieure des chanoinesses de St Augustin
à l'abbaye de la Thure met en vente l'autel du chœur des religieuses qui est racheté par le curé
de Thuin, Jean Baptiste Noël . Celui-ci, qui avait déjà racheté auparavant
un " retable " d'autel pour l'église de la ville haute, fait installer cet autel dans son église
du val à la ville basse.
Au compte paroissial de 1703 - 1712, le curé Noël note avoir fait garnir de cuivre la moulure
du grand autel par Jean Dartevelle, maître chaudronnier à Mons. Il fit plus encore. Sur sa
propre cassette, il paya le tabernacle du maître-autel et, par testament du 22 novembre 1742,
il laissa la somme nécessaire à son embellissement et à son entretien.
L'analyse des comptes de l'Abbaye de la Thure révèle qu'elle possédait en 1787 quelque 325 bonniers de terre et 45 bonniers de pré et prairie en Belgique, dont seulement 9 bonniers et 1 journel de terre, 4 bonniers 2 journels de pré et 7 journels de bois à Bersillies-l'Abbaye. En prenant les références de Mons à cette époque, on peut estimer que sur une superficie totale de 468 hectares, 34 ares et 60 centiares en Belgique, l'Abbaye occupait à Bersillies-l'Abbaye environ 12 hectares, 31 ares et 22 centiares de terre et de pré et 2 hectares, 31 ares de bois.
Quatre saints figuraient sur le tableau qui, à l'abbaye de la Thure, surmontait l'autel vendu en 1708 au pasteur de Thuin : saint Augustin entouré de sainte Dorothée, de saint Henri et de sainte Anne. L'abbaye étant une maison établie selon la règle de saint Augustin, il est normal de trouver celui-ci à la place d'honneur qui lui avait été réservée. Le tableau semble avoir été rapidement remplacé à Thuin par un autre présentant un sujet moins particulariste, car le compte de l'église sous l'année 1711, note l'achat d'une "toile prête à pinte (peindre) pour le devant d'autel". Actuellement, le portique du maître-autel encadre une toile au dessin et à la couleur pâle, un Christ en croix.
Le 29 juin 1792, la communauté, effrayée par les excès de la Révolution, doit quitter le
monastère sous la menace de l'arrivée des troupes républicaines. Les troupes du Général
d'Harville [qui devait monter sur Binche] sous les ordres de Dumouriez
[qui, lui, partait de VALENCIENNES] parviennent effectivement à l'Abbaye le jeudi 4 octobre 1792,
la mettent à sac " au finish " et incendient le monastère.
Il y eut, le 6 juillet 1795, un espoir fondé sur la bienveillance municipale : sur un rapport
municipal (ratifié par l'Abbesse) certifiant que les sœurs n'ont pas émigré et, au nombre de 19,
administrent encore leurs biens que personne n'a séquestrés, " ..l'administration du District de
Binche donne avis que, selon l'arrêté du 6 prairial an III (26 mai 1795), les biens doivent être
rendus aux membres de l'abbaye. "
(s) Godart, Lecocq, Fises, Lescarts (après la chute de Robespierre)
Mais par la loi du 15 fructidor de l'an IV, soit le 1er septembre 1796, toutes les corporations
religieuses furent supprimées en Belgique. Le 29 septembre suivant, les commissaires
Melsuydier, receveur du domaine national à Binche, et Dams,
délégué, chargés d'exécuter le prononcé de cette loi, se présentèrent à l'abbaye et invitèrent
l'abbesse Alexandrine Dufresne à réunir ses religieuses et leur donnèrent lecture
des ordonnances du Conseil des Cinq Cents. Un procès verbal fut rédigé à cet occasion.
Les religieuses firent encore une tentative pour échapper à l'application des lois révolutionnaires
en vigueur en arguant leur qualité d'enseignantes:
" Placées à la plus extrême frontière, nous avons souffert de la part des troupes qui nous entouraient les vexations auxquelles la guerre la moins disciplinée nous exposait par notre situation, lorsque le 29 juin 1792, un corps nombreux viola l'enceinte de notre maison et nous força à l'abandonner en fuyant par une issue et y laissant tout, hormis ce dont nos corps étaient couverts. Environs trois mois après, le 4 octobre 1792 sans qu'il nous ait été possible d'y retourner un seul instant, le feu consuma entièrement toute notre maison, rien n'échappa aux flammes, le dépôt de nos archives, les titres de notre institut y furent confondus. De sorte qu'il ne nous reste plus que notre existence qui nous serait insupportable, si la loi du 15 fructidor an IV ( 1er septembre 1796) portant suppression des maisons religieuses ne nous exemptait par son article 20. Notre institution nous dévoue à l'éducation de la jeunesse, le seul temps de notre fuite forcée et le nombre d'élèves que nous recevons constamment du Brabant, de la Flandre et de toute la Belgique ne laisse pas de doute sur la satisfaction que nos soins assidus procurent aux parents. La perte du titre de notre institut n'obérant donc pas celle de notre existence, ce serait nous punir à raison de nos malheurs. C 'est la grâce que, etc.. "
Malgré les nombreux certificats accompagnant cette requête et une pétition qu'appuyèrent les agents
et les adjoints des communes du canton, elles ne rentreront plus dans leur abbaye de la Thure qui
fut pillée, incendiée et dont les ruines furent vendues en 1796.
Le 16 Janvier 1797 (27 nivose an V) sur Arrêt départemental de Jemappes:
N°1182
Liberté Egalité
Abbaÿe de la Ture
" Nous, commissaire nommé En Vertu de l'arrêté de l'administration Centrale du Département de Jemappes, en date du 2 Nivose, 5ème année, après avoir requis le citoyen Bax commissaire du Canton [de Merbes-le-château], avons exécuté la loi relative à l'évacuation de la Maison susdite : les vingt jours expirés de la présentation de leur bons, elles ont protesté contre leur suppression, disant qu'elles ne voulaient pas sortir de leur monastère sans la force armée.
Pour quelle fin je l'ai requise pour exécuter la loi …
En conséquences elles sont parties le 27 Nivose 5ème année a dix heures du matin, avec la plus grande décence, et ont demandées de signer le présent procès verbal. "
Signature : Bax.
" Le même jour : Etat et description sommaire dans lesquels nous avons laissé la ci-devant abbaye de la Thure après son évacuation effectuée ce jour … "
(s) Constantin, commissaire.
Suivent les signatures des 24 survivantes : en 1795 il y avait eu deux décès. Les 5 sœurs qui momentanément avaient trouvé refuge dans leur famille, ont rejoint les 19. Signent ainsi : L'Abbesse DUFRESNE Alexandrine, Narcisse DEBAUFAY, Des anges PUISSANT, Marie Thérèse DUMONT, Claire FRANCOIS, Cécile FRANCO, Caroline LOTH, Augustine STIEVENART, Dieudonnée ROISIN, Norberte COURTEILLE, Albertine DEASSE, Amélie WINS, Marie Anne MARCQ, Agathe CAISSON, Florence MEURANT, Benoîte PRÉCELLE, Alexandrine FERON, + marque de oblate Barbe HUART, + marque de Marie Josèphe VAINQUIER, Catherine HALBRECQ, M. Antoine DELBECQ, Marguerite ADAM, Hiacynthe NICAISE, Marie Joachime DUBUT, Pélagie MOREAUX
Le 9 mars 1797 (19 nivose an V) Nicolas Eusèbe GHILLENGHIEN, rentier à ATH, achète un terrain contenant 94 bonniers, 17 quarterons 1/2 de terre, un jardin et une basse-cour.C'est dame Norberte Courteille, l'une des réfugiées, morte à Thuin en 1829, qui, de son monastère de la Thure, amena à Thuin son cher et précieux trésor, la statue de Notre-Dame-du-Paradis. Cette statue, originaire d'une église des environs de Maubeuge, serait venue â la Thure en 1681 d'une curieuse manière. Après avoir flotté, emportée par les eaux tumultueuses de la rivière, elle fut découverte dans les roseaux, accrochée à la rive de la rivière non loin de l'abbaye, par une religieuse, sœur Cécile, venant y puiser de l'eau. Les Dames de la Thure virent dans cet échouement un signe de la Vierge et recueillirent pieusement la statue perdue.
Reproduction d'un des tableaux de Laure HALLET (Sœur Nathalie) ,
exposés dans le cloître du pensionnat des Sœurs de Notre-Dame à Thuin et qui illustre précisément
la découverte de la statue de Notre Dame du Paradis.
Notre-Dame-du-Paradis est une statue sculptée dans le bois. La conception et la facture du travail empêchent l'œuvre, une vierge mère au visage rondelet et poupin, trop restauré, de remonter au delà des temps où la Renaissance luxuriante des Pays-Bas flirtait avec le Baroque. Cette Vierge n'est le but d'aucun pèlerinage. On ne signale à son sujet, ni drapelet, ni "tours d'église ", ni neuvaines. La vierge incline la tête à droite ; elle tient sur le bras droit l'enfant qui porte dans la main gauche un globe surmonté d'une croix, tandis que pend à sa droite une clef. Elle a, dans la main gauche, un sceptre sous lequel également pend une clef. Le sceptre est orné d'un grand nœud comme en portaient au bras, autrefois les jeunes garçons le jour de leur première communion. La statue est habillée suivant la mode des madones espagnoles, mode qui s'est répandue chez nous au XVIIe siècle. La statue possède une garde-robe fournie. En 1828, la robe en drap d'or d'un aspect passé et peu gracieux, a été changée de forme et recouverte d'une robe de dentelle. La robe en moire bleue, plus misérable encore, a été retournée, puis couverte d'un tulle et ornée de ganses de soie. Les élèves ont offert une robe de velours bleu, brodé d'or, et un manteau orné de cygne. Le velours a été donné par les parents d'une religieuse, des anversois. Les riches applications dorées ont été brodées à Namur.
Les dons, marques de piété et de reconnaissance, affluèrent près de Notre-Dame-du-Paradis. Notons une lampe en cuivre rouge, envoyée par la mère d'une religieuse en 1879, une clef d'argent, promise par la Supérieure d'un couvent pour obtenir protection, afin d'éviter la fermeture des classes sous les effets de la loi de malheur du 1er juillet 1879 ; en 1880, une paire de belles boucles d'oreilles, en or, remises par une jeune fille reconnaissante pour une réconciliation inespérée obtenue par la Bonne Vierge, et, en 1918, un chapelet blanc de première communion, présenté par une institutrice, évacuée de Saint-Quentin par la guerre, avant son retour en France.
La statue revint le temps d'une procession, dans l'église paroissiale de Solre-sur-Sambre en 1963,
puis réintégra le couvent des sœurs grises à Thuin. Les solrésiens se cotisèrent ensuite pour en
obtenir une copie qui échappa, il y a peu, à la destruction dans l'incendie qui ravagea l'église
St Médard de Solre-sur-Sambre.
Un an avant de mourir, en 1828, voulant la faire honorer, Dame Norberte en fit
legs à Soeur Léocadie, supérieure des Sœurs de Notre-Dame de Thuin.
La vieille statue fut ainsi placée en vénération dans le couvent des religieuses enseignantes de Thuin.
On la plaça d'abord dans la chapelle des Sœurs. En 1877, on lui fit, dans le cloître, une belle niche,
sculptée par Detombay, de Liège.
En avril 1922, le long de la muraille du cloître furent accrochés les tableaux relatant son histoire.
Ils sont peints sur toile par une religieuse du couvent, la révérende sœur Nathalie de
l'Immaculée Conception (Laure Hallet, d'Hornu) qui a profité des loisirs forcés de la guerre
pour offrir à Notre-Dame ce témoignage de respectueuse et filiale affection.
Vingt ans plus tard, Sœur Nathalie compléta son œuvre et ajouta un tableau de plus
grand format, l'apothéose de Notre Dame, où se découvre le portrait de certaines de ses
anciennes élèves, choisies comme modèles. Ce tableau a disparu aujourd'hui.
Pour fêter le centenaire du legs de la statue, on plaça au fond du cloître, une niche blanche et
gracieuse, qui fut bénie en grande cérémonie par Monseigneur Rasneur, évêque de Tournai, le 14 juin 1928.
"Il a fallu- dit la chronique du couvent -"renoncer au marbre, vu le prix exorbitant; mais nous sommes bien satisfaites de cette œuvre en pierre de France, style renaissance, dont le croquis est dû à M. (Alphonse) Dufour. Cet architecte tournaisien nous a été recommandé par M. le chanoine Puissant dont la science archéologique est bien connue. L'imitation de style est parfaite, au point de tromper, à première vue".
Si correct que soit un travail en pastiche, il n'en reste pas moins fallacieux. (Bibl. n° 7)
(Cliché extrait de " Le patrimoine monumental de la Belgique, édition 1983.)
Une ferme est établie sur les vestiges de l'ancien monastère.
La construction primitive date de 1244. Ce qui subsiste encore sont les granges en moellons et mortier dur ainsi
qu'une tour-porche située vers le nord, qui porte un millésime 1707 côté cour. Elle est flanquée de dépendances basses.
A l'est, une immense grange présente vers la cour des porcheries en appentis. Les charpentes sont en cœur de
chêne aussi bon que neuf et reposent sur des grands pilastres monolithiques.
L'une de ces granges porte le millésime 1646, une autre porte le millésime 1624. Un autre bâtiment porte au pignon
les chiffres 1716.
Un millésime de 1595 apparaît sur une pierre du mur-pignon du logis.
Au milieu du domaine de la ferme, parmi les inégalités de terrain, il n'est pas possible de situer l'emplacement
exact de l'église et du chœur où se trouvent plusieurs sépultures, et dans les quelques vestiges qui restent,
entourés d'un mur d'enclos à demi écroulé, de reconnaître les riches constructions qui occupaient autrefois une
enceinte de 10 bonniers avec les jardins, les potagers et les vergers.
(Bibl. n° 257)
Sur la droite de la route qui conduit de Bersillies-l'Abbaye vers le carrefour de la petite poule à Solre-sur-Sambre, se trouve à proximité des ruines du mur d'enceinte de l'Abbaye un promontoire rocheux couvert de végétation. Sur ce rocher, à 6 mètres en surplomb, subsistaient naguère les fondations à pans coupés de la " petite chapelle de la Montagne " bâtie en 1681 par Dame Anne de Gozée.
A sa base, on peut observer encore une entrée de grotte naturelle qui porte le nom de "trou des fées" ou "trou des Sarrasins "". Il s'agirait de l'entrée d'un souterrain qui aurait abouti à la ferme du Grand Pré à Hantes - Wihéries !!.hr/ > La croyance populaire veut que cette grotte reliait autrefois l'Abbaye de la Thure à l'Abbaye des Carmes chaussés à Montignies-Saint-Christophe, croyance non vérifiée, mais il est vraisemblable que d'autres liens unissaient ces deux abbayes.
Maurice des Ombiaux, nous le rapporte dans son livre "la Thudinie"." Du temps où les cloches parlaient, car elles parlaient autrefois comme chacun sait, mais on a perdu depuis longtemps le sens de leurs résonances, elles allaient de la Thure à celles du Grand Pré et s'oubliaient parfois en de longs devis. Celles du Grand Pré avaient la voix grave et forte, vraie voix de Carmes. Les cloches du couvent des Dames blanches avaient une voix clairette et enjouée, toujours chantante, toujours rieuse. Et d'un ruisseau à l'autre, c'était un joyeux babil de cloches chaque jour à matines, à vêpres , à complies et à l'angélus. "
Le serment des abbesses était le suivant :
" Je promets devant Dieu et les saints, en cette solennelle assemblée, fidélité réelle, subjection, obéissance et révérence à notre mère la sainte Eglise, et à Monseigneur l'archevêque de Cambray, et à tous ses successeurs, selon les instituts des saints canons et comme l'ordonne l'autorité inviolable des souverains pontifes romains. Dieu m'aide et tous les saints, et les saints Evangiles que je touche. "